vendredi 23 septembre 2016

J'ai imaginé un monde végan

J'évoquais dans un précédent article des vidéos marquantes dans mon histoire personnelle en mentionnant la chaîne Youtube SolangeTeParle. Il faut que je rebondisse aujourd'hui sur un nouveau contenu trouvé au hasard de mes pérégrinations Youtubesque : "Le discours le plus important de votre vie" de Gary Yourofsky.

M. Yourofsky est un activiste américain qui s'est engagé avec ferveur pour les droits des animaux. Cette conférence, qu'il a reproduit dans de nombreuses universités états-uniennes, est un discours en faveur du mode de vie végan. Ayant déjà été face auparavant à l'argumentaire pro-véganisme, je peux assurer que c'était le plus convainquant que j'ai rencontré.

Pourtant, si son discours m'a beaucoup touché, je souhaite en profiter pour rebondir et aller plus loin. Le but de cet article n'est pas de critiquer ou d'encenser le régime végétalien. Je propose ici une réponse à la question : à quoi ressemblerait un monde végan ?




Si le régime alimentaire végétalien vise à la préservation de l'animal, il n'en demeure pas moins que la cohabitation entre ce règne et nous-mêmes est complexe. Pour rappel, la langue française différencie le végétalisme (le régime alimentaire excluant toute consommation de produits animaux) et le véganisme (le mode de vie impliquant également de ne pas porter de cuir, de fourrures, laines, etc). Pour mieux se situer, je veux d'abord parler d'anti-spécisme, l'une des raisons principales qui mène au véganisme.

Le spécisme, c'est une forme de racisme, si l'on considère que cette notion s'applique au-delà de l'humain ; il s'agit de considérer l'homme comme un être séparé et supérieur au reste du règne animal. Du point de vue de Yourofsky, c'est aussi un racisme commun. Une de ses meilleurs manifestations est bien évidemment l'élevage qui, après des décennies d'industrialisation, est aujourd'hui de plus en plus cruel. Il prive l'animal de sa fourrure, son lait, son petit, sa liberté, et puis sa vie, et ce avec un certain automatisme qui oublie et fait oublier la sensibilité de l'être. Yourofsky considère que la place laissé à l'animal d'élevage aujourd'hui n'est pas plus importante que celle laissée aux esclaves à une autre époque.

Ainsi, Yourofsky a abandonné la consommation de tous les produits animaux. Non pas qu'il ne les aime pas (citons le moment du discours où il dit combien il "adore" la viande, le lait, les oeufs) : c'est par sympathie et surtout empathie que Yourofsky a adopté le véganisme. Il souhaite ainsi montrer qu'il respecte l'animal et lui laisse la place qu'il mérite sur Terre. Il ne le tue, ni ne l'exploite. L'anti-spécisme, c'est la volonté de laisser sa place à l'être animal et œuvrer contre sa maltraitance par l'être humain, de quelque nature soit-elle.

Pourtant, il me semble que même si tout le monde se laissait convaincre par cet argumentaire, il resterait de nombreux points épineux à régler. Dans un monde où l'être humain et l’être animal doivent cohabiter aussi librement l'un que l'autre, que deviennent nos zoos ? Il me semble assez aisé de répondre qu'il s'agit à nouveau d'exploitation animalière, même si elle diverge de l'élevage en ce sens qu'elle vise non pas à nourrir l'humain, mais à le divertir. Pas de zoos donc. Pas d'animalerie non plus, puisque l'échange d'un animal contre de l'argent en fait une marchandise (rappel : esclave est aussi = marchandise).

Et en parlant d'animalerie, que faisons-nous des animaux domestiques ? Il y a quatre ans, on en recensait 63 millions en France (voir cette infographie de Wamiz). Qu'est-ce que cela représente d'un point de vue de l'anti-spécisme ? L'animal domestique n'est pas supposé être maltraité : il a sa place au sein d'un foyer, comme un humain, parfois un espace qui lui est dédié. Il bénéficie également de soin et d'une alimentation. Mais sa liberté est-elle pleine dès lors qu'il dépend de nous ? Si l'on s'en réfère aux nombres d'animaux qui meurent, abandonnés sur les routes de vacances l'été, il semble délicat de reconnaître leur liberté : pour être plus extrême, on peut se demander s'il ne s'agit pas à nouveau d'une forme d'esclavagisme, au sens où ils sont ainsi privés de leur indépendance et à la merci d'un être plus fort qu'eux.

En parlant des abandons sur le bord de la route, on s'approche d'une autre problématique : celle de l'occupation de l'espace. Entre les déforestations, les constructions et le réseau routier, nous représentons d'autant plus de menaces pour la faune. Est-ce vraiment le respect d'autrui que d'envahir son territoire pour le remplacer par le sien ? L'extermination de populations de petits mammifères ou de milliards d'insectes lors de l'érection d'un nouveau bâtiment ne va pas dans le sens d'un monde où humain et animaux partageraient équitablement la planète (les exploitations palmistes responsables de la destruction d'écosystèmes est un exemple tout aussi valable).


De ce point de vue là, un monde végan serait donc un monde où la loi du plus fort s'applique ?
Le problème me semble un peu plus complexe, car aussi anti-spéciste soit-on, il est difficile de ne pas reconnaitre la (triste) supériorité humaine en matière de force : maîtrise du feu, technologies militaires, ce ne sont que quelques exemples de la capacité destructrice de l'être humain.
De plus, la théorie du "monde anti-spéciste où la loi, c'est celle de la jungle" vient à l'encontre d'une autre force : l'empathie. Je cite ici Tolstoï : "L'homme réprime inutilement en lui‐même la plus haute aptitude spirituelle la sympathie et la pitié envers des créatures vivantes comme lui et en violant ainsi ses propres sentiments, il devient cruel. La consommation de chair animale est absolument immorale, puisqu'elle implique un acte contraire à la morale : la mise à mort." La boucle est bien bouclée : pourquoi vouloir un monde anti-spéciste ? Par empathie pour l'animal. Cette même empathie qui nous pousse à vouloir ramasser un oisillon qui a raté son envol, ou qui nous fait mener un chat ou un chien victime d'une voiture chez un vétérinaire. Et c'est aussi une part d'empathie qui nous pousse à tenter de préserver certaines espèces animales de l'extinction.
Pourtant, la nature, l'essence même de notre planète est l'évolution, pour peu que l'on croit en Darwin. Et l'évolution, si elle veut dire l'émergence de nouvelles espèces, implique aussi la disparition d'autres. Aussi, un monde anti-spéciste qui voudrait la protection et la préservation des espèces animales, irait à l'encontre d'une nouvelle force, un peu plus puissante encore.

Recentrons le problème en proposant une conclusion : un monde végan me paraît ici être une utopie, rendue inaccessible par le mode de vie menée par la société humaine. Il vient poser des problèmes inenvisageables ou réglés depuis longtemps, tels que le conflit d'occupation de l'espace.
Néanmoins, il faut garder en mémoire que j'envisage ici une vision de l'anti-spécisme très extrémiste. En optant pour une échelle plus raisonnable, qui reviendrait à cesser les maltraitances imposés à l'animal, un monde végan devient subitement beaucoup plus envisageable ; en revanche, cela ne sera pas possible sans une prise de conscience massive impliquant également les particuliers, les industriels et les politiques.
Pour finir, je rappelle également que l'anti-spécisme n'est pas l'unique conviction qui mène au véganisme. Un tout autre débat pourrait être proposé concernant les raisons écologiques qui animent certains d'entre nous...

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